A chaque fois qu’un des épisodes du podcast atteint un certain niveau d’audience, je peux être sûre de voir apparaître très rapidement dans les commentaires ou des messages qui me sont adressés l’expression « diversité des tactiques » et le nom de Peter Gelderloos. Le lien vers son livre Comment la non-violence protège l’Etat est systématiquement mis en avant. Je ne pouvais donc pas rester sans le lire. Surtout que dernièrement, il m’a aussi été fait la critique qu’opposer violence et non-violence ne servait qu’à diviser les mouvements de lutte. Cela m’a interpellée car j’y ai vu un non-sens complet – comment ne pas opposer violence et non-violence? – et cette profonde inversion de la violence qu’on voie à l’œuvre dans notre société. Les révolutionnaires non-violents sont catalogués « terroristes » quand ils gênent le pouvoir, « dogmatiques » et « intolérants » quand ils refusent que les partisans de la violence se mêlent à eux et maintenant, ils seraient celles ou ceux qui divisent la lutte, alors que cela fait longtemps que les militants qui revendiquent la violence discréditent les mouvements non-violents, remettent en cause leur efficacité, et apportent justement la discorde au sein même de la résistance – et les écrits de Gelderloos y sont pour beaucoup dans ce travail de sape. Pourtant, faut- il le rappeler : quand on croit que la non-violence est à la fois le moyen et la solution, accepter des partisans de la violence en son sein revient à se renier soi-même. Une stratégie basée sur la non-violence s’anéantit d’elle-même si elle accepte des tactiques violentes. Comment oser dire que ce sont les non-violents qui divisent les forces vives quand depuis toujours, c’est la violence qui a divisé les êtres, les familles, les peuples?  Et je vous renvoie à mon précédent article « La mère de toutes les violences… ou le père ».

Si j’ai décidé d’écrire ce texte, à l’heure où toutes les alertes sont au rouge, c’est que j’y vois un sens véritable par rapport au but révolutionnaire visé par Peter Gelderloos et ses représentants, et que partagent les révolutionnaires non-violents, à savoir « la fin de toute forme d’oppression ». J’ajouterai que l’urgence actuelle pour bon nombre de militants est de sauvegarder le vivant, mais quand on y réfléchit, cela revient au même car c’est la domination de l’homme sur la nature rendue à son apogée par la folie capitaliste qui est en train de nous détruire.

 

Ecoutez la version audio de cet article :

Concernant cet ouvrage Comment la non-violence protège l’Etat, j’ai trouvé dans le livre publié par le collectif Désobéissances Libertaires, intitulé Une critique anarchiste de la justification de la violence une grande source d’inspiration et beaucoup d’arguments en défaveur de la thèse défendue par Gelderloos. Je serai donc amenée à en citer plusieurs passages, sachant qu’il s’agit de différents textes d’anarchistes non-violents réunis en un même recueil. Je vous invite chaleureusement à le commander et le lire si vous souhaitez aller beaucoup plus loin que ce simple article (vous pouvez le faire en cliquant ici).

D’abord,  dès l’introduction de son pamphlet contre la non-violence, Peter Gelderloos fait une déclaration étrange : « Je me référerai aux défenseurs de la non-violence en utilisant la dénomination qu’ils ont eux-mêmes choisie, les activistes non-violent-e-s ou, de façon interchangeable, les pacifistes. » Qu’un militant aguerri qui semble connaître en profondeur les milieux non-violents puisqu’il écrit un livre dessus débute par un tel amalgame est pour le moins étonnant. Pacifisme et non-violence sont loin d’être interchangeables : le pacifiste veut préserver la paix à tout prix, au mépris s’il le faut des peuples et du respect des droits. L’exemple le plus célèbre est la signature en 1938 des accords de Munich qui au nom de la paix, trahissait la Tchécoslovaquie en permettant à Hitler l’annexion de la région des Sudètes. Le non-violent est prêt à se battre avec toutes les armes respectant l’adversaire, désobéissant aux lois s’il le faut, pour défendre ce qui lui paraît juste. « Le pacifisme est avant tout influencé par le désir d’éviter tout conflit » écrit Lakey cité par Sebastian Kalicha dans Une critique anarchiste de la justification de la violence, alors que « les révolutionnaires non-violents accueillent le conflit à bras ouverts ». C’est à se demander si Gelderloos a déjà milité avec des non-violents car pour lui, l’action non-violente se résume quasiment à organiser des marches et à demander bien doucement à l’Etat de devenir plus gentil…  Il semble croire que la non-violence voudrait toujours rester du côté de la légalité. Mais il n’y a rien de plus faux! Et Sebastian Kalicha le dit : « ce qui caractérise précisément la désobéissance civile – une des formes de l’action non-violente – c’est d’être illégale ». Quant au sabotage, « il a été et est depuis toujours une forme de résistance appartenant en propre au mouvement ouvrier et qui n’a pas pour but de tuer ou de blesser, mais de provoquer des dégâts économiques en ralentissant le cours du travail ou en l’entravant. Dans tous les travaux qui traitent de l’histoire et de la théorie de l’action non-violente, on trouve une référence à cette tactique ».

« La violence n’existe pas » selon Peter Gelderloos…

D’autre part, « l’un des arguments centraux » de Peter Gelderloos est que « la violence ne peut être définie clairement ». Il dira même dans son autre livre « L’échec de la non-violence » que la violence n’existe pas, en arguant que personne n’a jamais réussi à se mettre d’accord sur sa définition. Dès les lignes suivantes, on est donc perdu, puisqu’il dénonce les non-violents comme  ceux « qui dissuadent les autres activistes de tout recours à la violence ». De quoi parle donc Gelderloos puisque la violence ne saurait être définie?… « Violence » est un mot abstrait qui décrit des phénomènes très concrets. Et comme bon nombre d’autres mots abstraits tel que le capitalisme, l’injustice, la xénophobie, mais aussi la liberté, l’égalité et j’en passe, je doute que beaucoup de personnes sauraient les définir de manière identique. Est-ce à dire que la liberté n’existe pas, ni le capitalisme, ni l’injustice, etc.?

Évacuer un mot parce qu’il nous embête n’a jamais effacé les réalités qu’il revêt.

Porter atteinte à la dignité d’autrui, à son intégrité physique ou psychique relève de la violence. Un viol, un meurtre, une insulte relèvent de la violence. Le harcèlement, le racisme, le sexisme relèvent de la violence. Est-ce à dire que la violence est toujours à proscrire? Non, elle est parfois nécessaire dans certains cas comme celui de la légitime défense ou de sauver la vie à quelqu’un. Il s’agit toujours de préserver le vivant. Aussi quand Gelderloos dit qu’il a entendu certains « promoteurs de la non-violence » rejeter jusqu’à la légitimité de l’auto-défense, on aimerait bien savoir de quels promoteurs il parle et qu’il cite ses sources. Comme l’explique Sebastian Kalicha, « la défense individuelle dans des situations extrêmes est tout autre chose que d’esquisser des stratégies politiques révolutionnaires et de résistance qui n’incluent pas de violence. » Et même en cas de résistance politique, Gandhi lui-même a dit qu’entre lâcheté et violence, il fallait préférer la violence, mais que la 3ème voie, celle de la non-violence, lui était supérieure.

Il est d’ailleurs intéressant que Peter Gelderloos souligne aussi ce fait que Gandhi comme Martin Luther King auraient soutenu une lutte armée plutôt qu’aucune lutte, tout en sapant, autant que faire ce peu, les fruits obtenus par la non-violence de leurs combats respectifs. Il va même jusqu’à suggérer que Martin Luther King n’aurait été qu’une sorte de porte-étendard des non-violents blancs pour se dédouaner, en quelque sorte, de leur racisme. C’est d’ailleurs le titre d’un de ses chapitres : « la non-violence est raciste ». Malheureusement, Gelderloos fait ce qu’il reproche aux non-violents de faire : « il ne reconnaît pas l’autonomie d’activistes de couleur qui choisissent consciemment d’utiliser des tactiques non-violentes. « (Sebastian Kalicha) Si la figure de Martin Luther King a malheureusement été érigée en une sorte de statue intouchable et bienveillante, cela est surtout confortable pour la bourgeoisie qui le prive ainsi de son pouvoir de subversion, pas parce que les non- violents blancs réécrivent l’histoire, mais parce que les dominants blancs réécrivent l’histoire, et celle de la non-violence ne fait pas exception – j’y reviendrai en conclusion. Et ce n’est pas anodin de constater que Martin Luther King a été assassiné justement au moment où il a commencé à faire peur au pouvoir capitaliste, comme le montre l’historienne Sylvie Laurent, autrice du livre Martin Luther King. Une biographie intellectuelle et politique (Seuil, 2015).

Pour donner un autre aperçu de l’aspect fallacieux de l’argumentaire de Peter Gelderloos, prenons l’exemple de la libération de l’Inde. Dans son essai « Qui a peur de Gandhi » – toujours dans l’ouvrage Une critique anarchiste de la justification de la violence – N.O Fear montre  l’omission de faits historiques et la mauvaise foi de Gelderloos pour servir la thèse de son chapitre « La non-violence est inefficace ». Par exemple, concernant le départ des britanniques d’Inde, ce dernier met en avant la figure d’un certain Subhas Chandra Bose, qu’il présente comme « un célèbre indépendantiste indien, qui prônait la lutte armée » et qui « a été élu deux fois président du Congrès National Indien en 1938 et 1939″. » Outre le fait que, comme le rappelle N.O Fear, Bose a été élu justement parce qu’il s’était aligné sur la manière dont le congrès national concevait la lutte non-violente et la désobéissance depuis 1920″, Gelderloos omet de parler des collaborations de Bose qui pour mener à bien sa lutte armée compta d’abord sur le soutien des nazis puis sur celui des fascistes japonais. Et toutes les tentatives d’invasion de l’Inde par Bose et l’INA – l’Indian National Army –  furent des échecs. Enfin, Gelderloss ose invoquer une forme de contrainte armée, celle de la Palestine, supposant que cela aurait affaibli l’empire Britannique et qu’ « il est tout à fait probable » que cela ait « influencé la décision des Britanniques d’abandonner leur administration coloniale », l’Inde. Voilà la réponse de N.O Fear : Gelderloos « fait là un lien arbitraire entre deux régions du monde très différentes : la petite colonie de la Palestine » et l’Inde, vue comme « le joyau de l’empire britannique » et  » les britanniques ne risquaient pas d’avoir peur de la lutte armée après avoir vaincu militairement durant cinq ans dans différents pays du monde. »  Alors pour quelle raison les anglais ont-ils quitté l’Inde? « Il s’agit d’une forme de force jamais prise en considération par Gelderloos qui pense que seules les armes sont une contrainte. Et c’est la contrainte économique! Les grands compagnes de masse non-violentes des Indiens, la grève et le boycott de l’importation des marchandises venant de la Grande-Bretagne ont décidé du sort de l’Inde. » En outre, pour revenir à la Palestine, n’oublions pas que, pour citer une nouvelle fois N.O Fear, « les militants arabes et juifs vont bientôt tourner les armes les uns contre les autres et entrer dans une guerre civile horrible qui ne cesse de continuer jusqu’à nos jours sans issue visible. C’est cette culture de violence dont Gelderloos ne veut rien savoir ni la regarder en face ».

C’est comme si le seul critère valable pour Gelderloos serait l’efficacité – et ses arguments pour discréditer la non-violence sur ce point sont faibles – mais surtout, qu’en est-il de l’éthique révolutionnaire?

Car, comme le dit André Bernard, « nous savons que, quand quiconque a des armes en main, une hiérarchie s’établit rapidement, et tout naturellement, entre le fort et le faible. » La violence fonctionne comme un engrenage et, suivant Sebastian Kalicha, « même s’il y a une différence entre la violence de l’oppresseur et la violence des opprimé.e.s, malgré tout, la violence est en soi un phénomène qui possède sa propre dynamique autoritaire et anti-émancipatrice, quand bien même elle se manifeste comme une contre-violence des opprimés. (…) La non-violence radicale refuse le monopole de la violence de l’Etat bien davantage et de façon plus fondamentale encore que ne peut le faire toute violence révolutionnaire, parce qu’elle s’attaque à la racine même du problème de la domination et de la violence. (…) Gelderloos se refuse alors à voir quelque chose de fondamental : le fait que la non-violence délégitime non seulement les relations de domination (…) mais aussi qu’elle est une forme de résistance à ces dominations ».

Enfin, il semble que Gelderloos omette un point important, l’appui que peut donner ou non à une lutte l’opinion publique. C’est ainsi que la destruction du Mac Donald le 1er mai 2018 par les Black Blocs n’eut pas du tout le même effet que celle du MacDo de Millau en 1999. Dans le 1er cas, cela bloqua totalement  la manifestation et permit à la presse d’en faire ses choux gras. Je vous renvoie au texte publié le 4 mai 2018 sur Info-luttes Une critique anti-autoritaire du black bloc qui explique l’erreur stratégique d’une telle casse. Dans le 2nd cas, l’action eut un franc succès auprès des français. Or, pour Peter Gelderloos, bien qu’il écrive qu’il est dangereux « d’adopter des tactiques que personne ne comprend et encore moins soutient », il va cependant jusqu’à justifier les attentats islamistes de Madrid en 2004, en expliquant que ce seraient ces attentats qui auraient provoqué le retrait espagnol de la guerre en Irak. Or ce n’est pas la peur qui permit aux espagnols de se positionner mais bien celles et ceux que Gelderloos traite de « moutons » (sic!), à savoir les millions de citoyens et citoyennes qui ont défilé en 2003 contre la guerre et qu’il fustige. Ce sont eux et elles qui ont fait accéder au pouvoir le parti socialiste et qui ont fait pression sur lui pour qu’il tienne sa promesse de retirer ses troupes. Et quand bien même ces attentats auraient pesé dans la balance, est-ce à dire que ces victimes étaient justifiées? En vérité, les attentats sont souvent plutôt un bon motif pour entrer en guerre, comme on a pu le voir avec le 11 septembre qui précéda l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan par les troupes américaines.

J’en arrive à l’idée directrice de cet article.

Non seulement je ne crois pas que la non-violence protège l’Etat, mais je pense au contraire que c’est la violence qui est la meilleure pour renforcer et servir l’Etat.

On pourrait par exemple se demander quelles raisons ont pu pousser les activistes révolutionnaires de l’ETA, des FARC, de l’IRA à abandonner la lutte armée…Txetx Etcheverry, militant basque et écologiste en parle très bien lors d’une rencontre provoquée par l’association Non-Violence XXI à regarder sur youtube.

C’est pourquoi je dirais, à la suite du libertaire Barthélémy de Ligt : « Plus il y a de violence, moins il y a de révolution ». Et il semblerait que cela ait encore une fois été le cas avec les gilets jaunes, si l’on en croit le témoignage de Priscillia Ludosky dans l’épisode 11 du podcast à propos de l’instrumentalisation de la violence des black blocs par les médias. En outre, l’ouvrage universitaire d’Erica Chenoweth et Maria Stephan, Why civil resistance works (publiée il y a 10 ans et qui sera enfin traduit cette année en français) montre à partir de 323 études de cas qu’en général la non-violence obtient de meilleurs résultats que la violence. Néanmoins, je souhaite rendre justice sur ce point à Peter Gelderloos, la non-violence n’est pas non plus la panacée pour réussir une révolution et de moins en moins d’ailleurs. En effet, poursuivant ses recherches – voir l’article du CENAC sur ce sujet -, Erica Chenoweth a concédé qu’entre 2010 et 2018, le nombre de campagnes non-violentes a augmenté mais leur réussite grandement diminué, passant de 65% en 2000 à 30% en 2018. Si elles font toujours mieux que la lutte armée – qui obtiendrait 10 à 20% de réussite -, la chercheuse constate une moindre efficacité. Mais faut-il imputer cela à une position dogmatique de la non-violence ou à son présumé échec? Au contraire, Erica Chenoweth souligne qu’ il y a eu justement davantage de soulèvements utilisant la « diversité des tactiques » et que ceux-ci aboutissent moins, statistiquement parlant. Ensuite, elle montre qu’il y a eu une diminution du nombre de personnes ayant participé à ces soulèvements – environ 1% de la population contre 3% dans les années 90 -, que les méthodes non-violentes ont été moins diversifiées et enfin que l’activisme numérique est surestimé, voire qu’il nuit à une réflexion approfondie sur la stratégie.  Et si je peux ajouter une opinion personnelle, je pense aussi que la classe bourgeoise néolibérale a su renforcer son pouvoir dans chaque état, qu’elle possède encore davantage la presse et qu’il devient très complexe d’établir un rapport de force qui puisse la faire plier, et ce, quel que soit le mode d’action.

S’il y a bien un point sur lequel je rejoins Peter Gelderloos, c’est que le pouvoir en place sait très bien remanier l’histoire mais aussi les mots. Et c’est bien en cela que je m’étonne à la lecture de son livre : il adopte sciemment la vision, ou plutôt le carcan dans lequel l’état capitaliste veut enfermer la non-violence. C’est une lecture bourgeoise de la non-violence qu’il fait en assimilant durant tout son livre la non-violence révolutionnaire au « pacifisme » confortable du bourgeois. Le pouvoir verrait en la « non-violence » la seule lutte acceptable et il ne se prive jamais de condamner toute sorte de violence afin de pouvoir condamner l’ensemble d’une lutte. Par là-même, le pouvoir élude à dessein toute la puissance révolutionnaire de la non-violence, toutes les tactiques illégales qu’elle utilise et qu’il assimile immédiatement à de la violence, s’accordant ainsi avec Peter Gelderloos pour rendre très floue la définition de la violence, toute désobéissance à une loi étant assimilée comme telle.

Le moindre prétexte pour renforcer sa répression est bon pour l’Etat et en cela, la violence le sert. La violence le sert parce qu’elle permet de détourner le regard sur la violence structurelle dont les institutions se rendent coupables. La violence le sert parce qu’elle exerce un pouvoir de fascination et de répulsion très utile pour manipuler les masses de la société du spectacle. La violence le sert parce qu’elle fait peur à l’opinion publique et que la répression en retour fait peur à celles et ceux qui auraient des velléités de se révolter. La violence le sert parce qu’elle est son domaine et qu’il en comprend le langage.

L’Etat ne comprend rien à la non-violence, aussi essaie-t-il de la circonscrire, aussi travestit-il les mots et les dominants parlent-ils de paix pour se couvrir et rejeter leurs propres  fautes sur les victimes de leurs oppressions. Les technocrates au pouvoir ont su vider de son sens tant de mots, inventer tant d’expressions pour ne surtout pas décrire la réalité. La non-violence n’échappe pas à l’avènement de cette novlangue. En acceptant de se plier à ces grossiers raccourcis et en les imputant aux révolutionnaires, on se demande pour qui roule Gelderloos! D’ailleurs, faut-il rappeler que dans son pays, c’est bien la fin des armes qui constituerait une libération, car comme le dit N.O Fear : avec le parti des armes, le NRA, « la revendication de la violence et la lutte armée est bien blanche et bourgeoise à la fois. Le vrai mouvement révolutionnaire commence en fait avec le mouvement des élèves et étudiant.e.s contre les tueries et leur résistance non-violente récente contre le NRA. Ils s’opposent aux armes et c’est cela leur vraie libération. Gelderloos, à l’inverse, reste complètement dans la norme. »

C’est pourquoi, à la lecture de Comment la non-violence protège l’Etat,  je suis plus que sceptique.  Il me semble absurde de prôner la violence et d’appeler en même temps à l’unité révolutionnaire par une sorte de cohabitation entre des tactiques qui seraient violentes d’un côté et non-violentes de l’autre, ce qu’on a coutume d’appeler la « diversité des tactiques ». Mais ce terme même de diversité est inadéquat puisque ce sont deux conceptions qui s’excluent mutuellement.

La diversité des tactiques, ce mythe qui permet aux violents d’imposer leur stratégie et d’anéantir la stratégie non-violente.

La lutte violente veut imposer sa volonté par la peur, par la soumission, par le meurtre comme dernier recours. Une minorité de militants violents peuvent saboter toute la stratégie d’une action non-violente en posant une bombe ou en attaquant des policiers par exemple. L’inverse n’est pas vrai. Imaginons un groupe de révolutionnaires non-violents qui viendrait faire un sit-in au milieu de la lutte armée d’un groupe violent: il n’aurait aucun poids… La diversité des tactiques n’est rien d’autre que l’imposition de la stratégie guerrière à toute forme de lutte et la destruction de l’ensemble de la stratégie non-violente. Dès lors qu’un acte de violence est commis au sein d’un mouvement non-violent, celui-ci cesse de l’être. Comment invoquer l’unité quand non-violents et violents s’opposent par l’idéologie et par la pratique?

L’entraide est fondamentalement non-violente.

L’entraide, dont parlait déjà Pierre Kropotkine en 1902 et plus récemment Pablo Servigne, est fondamentalement non-violente, et elle me semble, avec la prise de conscience de notre interdépendance, de notre lien indéfectible à la nature pour survivre, une meilleure voie à suivre, alliée à des actions de désobéissance civile, de lobbying citoyen et tout ce qui pourra permettre à notre système délétère, individualiste et violent de s’effondrer pour voir advenir une société et une culture non-violentes.

 

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