Par Nicolas Delamotte-Legrand – Critique d’Art et Rédacteur pour Aralya.fr

#1-Moontain

Il y a trois ans je découvre le fabuleux Podcast de Célia Grincourt, « La Force de la Non-violence ». Le souhait profond de Célia est, tel qu’elle exprime, de « lever les incompréhensions au sujet de la non-violence et de la faire connaître davantage. Pour faire prendre conscience que nous vivons dans une culture violente et sensibiliser au rejet de la violence sous toutes ses formes. Pour montrer l’urgence vitale pour l’humanité de se tourner vers la non-violence: en se changeant nous-mêmes, en changeant notre façon d’entrer en relation avec autrui, en abolissant les systèmes de domination à tous les niveaux dans le respect de tous les êtres vivants, en cessant de violenter la planète.» Ma compréhension du concept de non-violence était jusque-là symbolisée par des personnalités telles que Gandhi et Martin Luter King et limitée à leurs discours célèbres et leurs actions fortes. Grâce à Célia tout un univers inconnu m’apparait. A chaque nouveau podcast je découvre des femmes et des hommes inspirants qui questionnent l’ordre établi, notre compréhension du réel, redéfinissent le concept de non-violence et oeuvrent quotidiennement à construire un monde plus juste et bienveillant.

J’entends souvent dire qu’art et politique ne peuvent co-exister. L’artiste n’est pour pas un créateur hors-sol isolé. Il est influencé par le monde qui l’entoure et il l’influence à son tour. L’artiste peut même parfois jouer un rôle essentiel dans des périodes de crises sociétales. Lanceur d’alerte, sans jugement ni moralisation, l’artiste a ce statut particulier de commentateur poétique de notre réalité. Ses créations, au-delà de leurs formes esthétiques remarquables, peuvent s’imposer comme des messages forts et véhiculer des revendications piquant à vif des débats de société. De nombreux artistes contemporains revendiquent d’ailleurs leur démarche revendicatrice et leur engagement politique. Pour l’artiste Liliana Porter, par exemple, « L’artiste, comme tout être humain, n’est pas à la marge de la réalité sociale qui l’entoure. (…) Pour ceux qui font de l’art, la manière dont ils le font, les situations dans lesquelles ils acceptent ou renoncent à leur exposition, impliquent une manière de manifester une position politique, consciemment ou inconsciemment. » (Lettre sur la Contrabienal en 1971).

 

Quand l’Art dépose d’étranges pavés sur le chemin de la non-violence. Bienvenue sur la planète Moontain !

Pour le dictionnaire du Larousse, étrange du latin extraneus (extérieur, étranger) est un adjectif signifiant « qui frappe par son caractère singulier, insolite, surprenant, bizarre ». J’ai ainsi été percuté de plein fouet par le travail étrange de l’artiste Moontain. Ses œuvres que je trouve d’une extrême beauté m’ont instantanément tapé dans l’oeil, remuant quelque chose au très profond de mon corps. Ecrivain, peintre, sculpteur, musicien, compositeur…plus qu’une planète, Moontain est une constellation surprenante à lui tout seul. En lisant certains textes de l’artiste je découvre un homme attentif et respectueux de la Nature. Ses œuvres multicolores qui me semblaient parfois au premier abord carnassières et voraces révèlent à la lumière de ses splendides écrits des figures célébrant la force de la Nature. Dans une expression empreinte d’une extrême tendresse envers le vivant, il nous dépeint tout un univers multiforme. Ses œuvres sont vives, fascinantes et débordantes. Son mode de création contre toute apparence et à ma grande surprise respire la douceur et l’écoute du moment présent. Il laisse juste parler son cœur et peint de façon organique. Dans une démarche pleinement non-violente, il s’accorde le temps et l’espace d’inspirer ce qui l’entoure et d’exprimer ses ressentis sur la toile, en toute tranquillité. Sa création est le lieu « où rien n’est jamais prémédité et où tout obéit à l’instant présent. ». Moontain ne s’impose aucune règle et s’accorde au « ici et maintenant », se considérant ni plus ni moins comme un agrégat de molécules parmi les autres molécules. Dans un élan Spinoziste d’épanouissement de l’être par plus d’être, l’attitude non-violente de sa création participe viscéralement à la mise en forme de ses œuvres. La non-violence est souvent associée à une posture calme et passive mais elle peut être résolument forte et expressive. Travailler dans sa zone de repères et de confort lui apporte aussi un bien être qui lui permet de créer dans une plénitude et une harmonie. Il lui suffit ainsi de travailler sans friction et sans prise de tête. L’osmose, il la retrouve aussi dans l’inter-connexion et l’inter-pénétration des lignes et des formes ambigües qu’il dépose sur ses toiles. Son processus de création paréidolique est ainsi très intuitif. Dans la contrainte inévitable de notre existence humaine et de ce qui est, il s’évertue calmement à créer. Moontain laisse libre court à ses envies et ses ressentis. Comme l’enfant qui s’étonne de tout, enthousiaste, l’artiste s’émerveille du détail, du présent, d’une ombre projetée sur le sol et de la vie.

« Le moment où je me sens le moins seul, c’est le moment où je suis seul dans mon atelier.» Moontain

Dans son atelier, loin d’être solitaire, l’artiste cohabite avec l’espace, la lumière, les sons qui l’entourent, les objets, les formes, les matières, les pensées, les souvenirs, les désirs et les vibrations. En connexion avec le vivant, sans perturbation extérieure, il laisse l’inspiration se déverser sur les canevas. La création est belle et bien un alibi pour entrer en lien avec le vivant et également avec les autres. Il aime raconter des histoires tout en nous laissant la liberté d’y voir ce que l’on veut. Dans un désir de « laisser les œuvres vivre leur vie », Moontain ne revendique rien, n’impose rien. Ses œuvres ne sont ni des messages, ni des slogans. Ce sont des entités libres qu’il souhaite partager et laisser exister tout simplement. Son parcours musical influence aussi ses peintures et donne à voir des oeuvres dynamiques et vibrantes que l’on imagine pouvoir entendre. Les toiles semblent chanter, rigoler, crier parfois. Il travaille par phases silencieuses ou en musique. Accompagné parfois d’une chanson qui tourne en boucle, il entrevoit de nouvelles perspectives. « En Art comme en Amour, il n’y a rien à prouver, mais tout à éprouver. » nous dit-il. Et d’ajouter « suivre un flux naturel et jamais forcé. Je ne crois pas à la compétition entre les éléments, mais en leur interaction nécessairement complémentaire et constructive. » Ainsi, il poursuit sa quête sereinement en électron libre sans désobéissance ni opposition. Dans un geste apaisé il fait apparaître des motifs devenus habituels qui s’entremêlent joyeusement sur ses toiles. Moontain ne développe pas au travers de sa création une  stratégie d’action politique pour combattre des injustices. Mais sa non-violence, s’il y en a une, se dresse dans l’affirmation d’un idéal respectueux du vivant. « La création c’est comme une deuxième respiration. Mes œuvres sont comme des bouts de moi » me confie-t-il. Elles sont en effet comme une filiation plastique qui se démultiplie et donne du poids à son existence. Sa création déborde de couleurs, englobe, intègre, explore, relie, explose, créant une communauté enjouée de créatures lumineuses. Laissez-vous à votre tour envouter et surprendre tout simplement parl’indicible lumière irisée de sa voie lactée.